A mon Père
Les ombres de la nuit se
meuvent sur les façades de brique rouge
Dans cette rue sombre et silencieuse tout est calme rien ne bouge
Mon père discrétèment sort de la maisonnée
pour aller travailler
Fatigue et sommeil pèsent sur ses paupières, il se met
à bâiller
L'hiver vient remplacer cette douceur automnale par de la bise
La glace sur les carreaux les décore joliment comme une frise
Tôt le matin il quitte son lit douillet et sa pimpante cuisine
Pour rejoindre ses compagnons de travail à la porte de l'usine.
Parfois seul, quelquefois en groupes bruyants ils franchissent la
barrière
Gagner de l'argent pour nourrir la famille et y faire carrière
Mon père va lentement longeant les murailles noircies des ateliers
Frigorifié, usé il avance courbé comme un ancien
batelier
Al'intérieur de ces grands bâtiments bruyants, dans la
fumée bleuâtre
Des machines crépitent comme des bûches qui éclatent
dans l'âtre
Les tôles gémissent sous les coups de marteau et s'ajustent
entre elles
La pièce peu à peu prend sa vraie forme sous des gerbes
d'étincelles
Des heures durant il va souffrir, suant bougonnant dans un air malsain
Le soir à la sortie de l'usine il pense déjà
au lendemain
Il retrouve dans la vallée son village que la nuit enveloppe
Et entre au cabaret réconforté pour aller boire une
chope
La mousse auréole le dessus du verre qu'illumine la bière
Qu'elle soit de couleur brune, blonde,ambrée la région
en est fière
Dorée ronde parfumée agréable ; c'est l'esprit
embué qu'il part
Vers son logis se"reposer un peu, demain sera un autre départ
Maurice Adam