DE VIOLENTS ORAGES SUR L'ALGÉRIE
Les dégâts sont particulièrement importants dans la région de Sidi-Aissa
L'INONDATION EST DUE A L'EFFONDREMENT D'UN BARRAGE INSUFFISANT
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Protection contre les inondations (un peu trop tard...)
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Dernière mise à jour le 16 avil 2019
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Echo d'Alger du 22 août 1934 Echo d'Alger du 21 août 1934
Echo d'Alger du 22 août 1934 Echo d'Alger du 23 août 1934

Ainsi que nous l'avons relaté dans notre numéro d’hier, un orage d'une violence inouïe s'est abattu, dans la nuit de dimanche à lundi, sur la. région de Sidi-Aissa.
L’abondance des pluies fut telle que le village, situé au confluent de trois oueds, s‘est trouvé en quelques heures, envahi par les eaux à la suite de l'effondrement d’un barrage de protection insuffisant.

Une crue énorme, détruisant tout, sur son passage, a déferlé dans un grondement sourd, surprenant les habitants dans leur premier sommeil.
Le garage Veuve et Pérez (Auto-Traction) s'effondrait en partie et les eaux emportèrent, avec les décombres, le père du gérant, un brave indigène dont le corps fut. retrouvé à 18 kilomètres de là.
S'engouffrant dans les maisons voisines, l’énorme masse d’eau crevant les murs pour trouver son chemin. balayait tout sur son passage et un malheureux père de famille voyait horrifié engloutis dans la vase, ses trois enfants, sa femme et sa nièce.
La famille Lanusse, vieux rentiers, assistait. impuissante à la destruction totale d'un petit avoir acquis péniblement pendant. toute une vie de labeur.
Le bétail amené pour le marché du lendemain fut emporté en grande partie.
La récolte d'orge et de blé. particulièrement abondante cette année, a été vidée de la presque totalité des magasins.
Plusieurs bâtiments se sont effondrés sur le passage des eaux, ne laissant à leurs habitants qu'un pauvre burnous boueux.
Une atmosphère de désolation pèse lourdement sur ce malheureux pays, dévasté déjà plusieurs années par les sauterelles.
Une commission d’évaluation des dégâts a été aussitôt désignée qui poursuit actuellement ses travaux.
Il semble, d'ores et déjà, que la situation du nouveau marché serait cause, à la suite des travaux effectués de cette épouvantable catastrophe qui, on le sait, se chiffre par huit morts et des centaines de milliers de francs de dégâts.
Des mesures urgentes doivent être prises pour éviter le retour, au seuil de l‘automne, d’une semblable tragédie.
L'enterrement des malheureuses victimes a eu lieu lundi au cimetière musulman. Toute 1a population française et indigène assistait aux obsèques.
A l’heure actuelle, on croit que d'autres victimes auraient été transportées par l'eau des oueds ou qu’elles seraient restées envasées.
M. Lucchini.administrateur adjoint ; MM Colnot et Chevy, conseillers municipaux ; M le docteur Lévy, conseiller général, sont depuis lundi sur les lieux et ont pris toutes mesures pour assiter les victimes sans abri

APRÈS LE SINISTRE DE SIDI-AISSA
LES CAUSES DU DÉSASTRE

C'est aujourd’hui que 1’on a pu s’apercevoir du mécanisme du désastre. Sur 17 kilomètres en remontant sur Aumale, la route a été coupée en vingt-cinq endroits par des inondations partielles : un ponceau a eu son garde-fou arraché. Toute cette eau de la trombe de 20 heures s’est accumulée dans la plaine, en cuvettes,drainée par les deux oueds convergeant vers Sidi-Aissa, ou ils se réunissent à la sortie sud du village, après l’avoir encerclé étroitement.
L’un d’eux, l’oued Djenane, a failli rompre les digues de protection. L’autre, l’oued Rereg, les a rompues et dans sa marche furieuse a ravagé la plus grande partie du quartier nord de la ville. C'est grâce au peu de solidité d’un mur derrière lequel l’eau montait et qui a lâché presqu’aussitôt que tout un pâté de maisons a pu échapper à la destruction totale.
LES DÉGÂTS
Partout des décombres, des cloisons, des murs effondrés, des gourbis rasés. L'eau a gagné 1 m 50 par endroits, emportant tout sur son passage. Tout près de là, une bicoque incendiée. Plus une porte ne ferme, soit que la force de l’eau les ait démolies soit que les habitants les aient enfoncées pour pouvoir se dégager rapidement. Mobiliers, denrées, marchandises, orges, blés. Tout cela est parti. Ce qui reste est inutilisable.
La misère de ces pauvres gens, artisans ou petits boutiquiers, est poignante. La plupart, surpris en plein sommeil, ont fui sans vêtements. Dès la première heure du sinistre, des âmes charitables les ont recueillis, vêtus, chauffés.
LES PREMIERS SECOURS
C'est à la lueur des éclairs qui trouaient par instant l'obscurité opaque, que se précipitèrent les sauveteurs. En tête nos gendarmes, notre garde-champêtre européen, nos cavaliers de commune mixte firent merveille. Stimulés par leurs chefs respectifs, ils se ruèrent dans le torrent et prêtèrent main forte aux sinistrés. Ils éteignirent l'incendie qui se ralluma par trois fois. Ils donnèrent les premiers soins aux blessés et noyés. D’ailleurs, tout le monde était à son poste, M. l’administrateur adjoint Lucchini, chef de la commune, se multiplia : le conseiller municipal M. Chevy, MM. Salviani, Tufner, les caïds Aissa et Amar, tous, Européens ou Arabes, se dévouèrent.
Le service médical alerté, prêta main forte. Le nombre de vies humaines sauvées par cette phalange de braves, opérant dans l’obscurité, au milieu des décombres et de l’eau qui avait baissé mais roulait encore dangereusement, est imposant.
LES VICTIMES
Nous avons cependant eu à déplorer huit morts, tous indigènes. Quatre enfants de la famille Slimane ont péri ensevelis sous les ruines d’une maison que l'eau a rasée. Une femme de 60 ans, une de 40, noyées. Deux victimes manquaient. Elles furent retrouvées à 20 kilomètres de là, le lendemain du sinistre : un enfant de 14 ans et Djoumi Moktar, le père de notre ami, comptable directeur de l'ATAN. Ce brave homme a alerté et a sauvé sa femme, puis épuisé par les efforts fournis, a perdu pied et a été emporté par le torrent sous les yeux angoissés et impuissants de son fils
Le lendemain soir, l'orage menaçait à nouveau. Mais M. Lucchini avait assigné à chacun le rôle qui lui incombait en cas d’une nouvelle alerte et grâce à ces précautions, nous n'aurions eu, en cas de reprise du sinistre, aucune perte de vie humaine à enregistrer. Les mesures sanitaires que comportait la situation étaient appliquées.
L’Écho d’Alger adresse aux familles en deuil l'expression de ses condoléances attristées. Il prie le camarade Djoumi de croire a sa douloureuse sympathie.

Projet de protection contre les inondations... mais... après l'inondation
(Echo d'Alger du 21 avril 1935)