Ainsi que nous
l'avons relaté dans notre numéro dhier, un orage
d'une violence inouïe s'est abattu, dans la nuit de dimanche
à lundi, sur la. région de Sidi-Aissa.
Labondance des pluies fut telle que le village, situé
au confluent de trois oueds, sest trouvé en quelques
heures, envahi par les eaux à la suite de l'effondrement
dun barrage de protection insuffisant.
Une crue énorme, détruisant
tout, sur son passage, a déferlé dans un grondement
sourd, surprenant les habitants dans leur premier sommeil.
Le garage Veuve et Pérez (Auto-Traction) s'effondrait en
partie et les eaux emportèrent, avec les décombres,
le père du gérant, un brave indigène dont le
corps fut. retrouvé à 18 kilomètres de là.
S'engouffrant dans les maisons voisines, lénorme masse
deau crevant les murs pour trouver son chemin. balayait tout
sur son passage et un malheureux père de famille voyait horrifié
engloutis dans la vase, ses trois enfants, sa femme et sa nièce.
La famille Lanusse, vieux rentiers, assistait. impuissante à
la destruction totale d'un petit avoir acquis péniblement
pendant. toute une vie de labeur.
Le bétail amené pour le marché du lendemain
fut emporté en grande partie.
La récolte d'orge et de blé. particulièrement
abondante cette année, a été vidée de
la presque totalité des magasins.
Plusieurs bâtiments se sont effondrés sur le passage
des eaux, ne laissant à leurs habitants qu'un pauvre burnous
boueux.
Une atmosphère de désolation pèse lourdement
sur ce malheureux pays, dévasté déjà
plusieurs années par les sauterelles.
Une commission dévaluation des dégâts
a été aussitôt désignée qui poursuit
actuellement ses travaux.
Il semble, d'ores et déjà, que la situation du nouveau
marché serait cause, à la suite des travaux effectués
de cette épouvantable catastrophe qui, on le sait, se chiffre
par huit morts et des centaines de milliers de francs de dégâts.
Des mesures urgentes doivent être prises pour éviter
le retour, au seuil de lautomne, dune semblable tragédie.
L'enterrement des malheureuses victimes a eu lieu lundi au cimetière
musulman. Toute 1a population française et indigène
assistait aux obsèques.
A lheure actuelle, on croit que d'autres victimes auraient
été transportées par l'eau des oueds ou quelles
seraient restées envasées.
M. Lucchini.administrateur adjoint ; MM Colnot et Chevy, conseillers
municipaux ; M le docteur Lévy, conseiller général,
sont depuis lundi sur les lieux et ont pris toutes mesures pour
assiter les victimes sans abri
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APRÈS LE SINISTRE
DE SIDI-AISSA
LES CAUSES DU DÉSASTRE
C'est aujourdhui
que 1on a pu sapercevoir du mécanisme du désastre.
Sur 17 kilomètres en remontant sur Aumale, la route a été
coupée en vingt-cinq endroits par des inondations partielles :
un ponceau a eu son garde-fou arraché. Toute cette eau de la trombe
de 20 heures sest accumulée dans la plaine, en cuvettes,drainée
par les deux oueds convergeant vers Sidi-Aissa, ou ils se réunissent
à la sortie sud du village, après lavoir encerclé
étroitement.
Lun deux, loued Djenane, a failli rompre les digues
de protection. Lautre, loued Rereg, les a rompues et dans
sa marche furieuse a ravagé la plus grande partie du quartier nord
de la ville. C'est grâce au peu de solidité dun mur
derrière lequel leau montait et qui a lâché
presquaussitôt que tout un pâté de maisons a
pu échapper à la destruction totale.
LES DÉGÂTS
Partout des décombres, des cloisons, des murs effondrés,
des gourbis rasés. L'eau a gagné 1 m 50 par endroits, emportant
tout sur son passage. Tout près de là, une bicoque incendiée.
Plus une porte ne ferme, soit que la force de leau les ait démolies
soit que les habitants les aient enfoncées pour pouvoir se dégager
rapidement. Mobiliers, denrées, marchandises, orges, blés.
Tout cela est parti. Ce qui reste est inutilisable.
La misère de ces pauvres gens, artisans ou petits boutiquiers,
est poignante. La plupart, surpris en plein sommeil, ont fui sans vêtements.
Dès la première heure du sinistre, des âmes charitables
les ont recueillis, vêtus, chauffés.
LES PREMIERS SECOURS
C'est à la lueur des éclairs qui trouaient par instant l'obscurité
opaque, que se précipitèrent les sauveteurs. En tête
nos gendarmes, notre garde-champêtre européen, nos cavaliers
de commune mixte firent merveille. Stimulés par leurs chefs respectifs,
ils se ruèrent dans le torrent et prêtèrent main forte
aux sinistrés. Ils éteignirent l'incendie qui se ralluma
par trois fois. Ils donnèrent les premiers soins aux blessés
et noyés. Dailleurs, tout le monde était à
son poste, M. ladministrateur adjoint Lucchini, chef de la commune,
se multiplia : le conseiller municipal M. Chevy, MM. Salviani, Tufner,
les caïds Aissa et Amar, tous, Européens ou Arabes, se dévouèrent.
Le service médical alerté, prêta main forte. Le nombre
de vies humaines sauvées par cette phalange de braves, opérant
dans lobscurité, au milieu des décombres et de leau
qui avait baissé mais roulait encore dangereusement, est imposant.
LES VICTIMES
Nous avons cependant eu à déplorer huit morts, tous indigènes.
Quatre enfants de la famille Slimane ont péri ensevelis sous les
ruines dune maison que l'eau a rasée. Une femme de 60 ans,
une de 40, noyées. Deux victimes manquaient. Elles furent retrouvées
à 20 kilomètres de là, le lendemain du sinistre :
un enfant de 14 ans et Djoumi Moktar, le père de notre ami, comptable
directeur de l'ATAN. Ce brave homme a alerté et a sauvé
sa femme, puis épuisé par les efforts fournis, a perdu pied
et a été emporté par le torrent sous les yeux angoissés
et impuissants de son fils
Le lendemain soir, l'orage menaçait à nouveau. Mais M. Lucchini
avait assigné à chacun le rôle qui lui incombait en
cas dune nouvelle alerte et grâce à ces précautions,
nous n'aurions eu, en cas de reprise du sinistre, aucune perte de vie
humaine à enregistrer. Les mesures sanitaires que comportait la
situation étaient appliquées.
LÉcho dAlger adresse aux familles en deuil l'expression
de ses condoléances attristées. Il prie le camarade Djoumi
de croire a sa douloureuse sympathie.
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