BOUZARÉAH - Asile des Vieillards
Sur cette page 2 cartes postales, 1 article d l'Afrique du Nord Illustrée et 4 articles de l'Echo d'Alger
Dernière mise à jour le 28 novembre 2020
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Bouzaréa par Bab-el-Oued et la route des Carrières (8 k. - Route à très fortes pentes, qu'on évitera d'emprunter à la montée, si on est en voiture ; bon itinéraire pour piétons). - 5 k. Hospice des Vieillards, tenu par les Petites Sœurs de Pauvres (on peut le visiter). Des vieillards, hommes et femmes y sont soignés et nourris par les sœurs qui reçoivent avec reconnaissance les moindres dons en argent ou en nature. La route gravit de pentes très raides .- 7 k. A g., sentier sur le Frais-Vallon (50 min. ; poteau du C.A.F.). - 8 k. Bouzaréa. (Les Guides Bleus "Algérie-Tunisie", 1916)
Un chemin pittoresque : De Bab-el-Oued à Bouzaréah par le Beau-Fraisier et l'Asile des Petites Sœurs des Pauvres
(Echo d'Alger du
4 avril 1934)

Les vieillards chez leurs petites soeurs
Article paru dans l'Afrique du Nord Illustrée du 25 août 1934 (trouvé sur https://gallica.bnf.fr)

Les vieillards chez leurs petites sœurs.

Deux heures. Un soleil brûlant. En bas un coup de mine. Puis deux, trois qui se suivent. Des blocs de pierre sautent. Pour bâtir une ville exubérante de force juvénile.
Plus haut, enveloppé par l'ombre d'un olivier trapu, dort un vieux berger. Autour, des aloès, allongeant leur cou fin, ouvrent des yeux curieux ; ils montent la garde.
Encore plus haut, dans un cirque de montagnes abrupt, sur le chemin, à gauche, une niche, à droite une fente. Dans la niche une cruche, couverte, suintant d'eau glacée, et un gobelet. Au pauvre passant altéré. Au-dessus de la fente, longue et étroite, en lettres humbles, "Bénie soit la main qui met une obole pour les pauvres". Au Samaritain qui passe. Son obole, la moitié de son pain, n'entre pas par la fente. Il frappe à une porte.
Une vieille, le sourire un peu gêné, sort d'un couloir, haut, large, frais, propre. L'accueil de l'hospitalité. Au fond du couloir un rideau. Inutile de le soulever : derrière lui veille un cœur, en flamme. Cherchez celle-ci dans la pénombre des couloirs croisant celui d'entrée. Elle y rejaillit de seize poitrines portant le deuil de leur propre vie ; les pauvres les appellent leurs petites sœurs. Elles sont là depuis la fleur d'âge ; leurs 90 frères et 60 sœurs dans la maison que nous visitons ont au moins 60 ans. Elles, les petites sœurs sont venues de Bretagne; leurs frères et sœurs aînés s'étaient égarés en Afrique. Tous sont heureux de s'être retrouvés ; les cadettes dorlotent les aînés pour leur faire oublier la longue séparation. De la même famille, ils sont tous pauvres, mais les sœurs cadettes sont très courageuses et débrouillardes.
Elles attellent des petits mulets, et en route pour Alger et ses environs où il y a tant de braves gens. Aux restaurants tant de croûtes de pain sont jetées ; le marc de café aussi. On va faire des croûtons pour la soupe et allonger le café. Les vieillards en sont si friands. Les chiffons, les restes de fil, bariolés, ne les jetez pas. Les vieilles ont ouvert un concours ; gagnante est celle qui aura trouvé le plus pittoresque arrangement de couvre-pieds. Aux hommes les chaussettes étalant toutes les variantes de l'arc-en-ciel. La couleur n'y joue pas, pourvu que cela chauffe en hiver. Les faux-cols démodés que vous ne mettrez jamais plus ? Les vieux ne peuvent pas s'en tordre le cou non plus. Alors on découpe des fleurs ; avec un peu de teinture on crée un décor domestique. Vous voyez, nous savons utiliser tout ; nous ne refusons rien. Et en hiver, les vieux et les vieilles grelottent. Ils n'ont pas assez de charbon de bois pour se chauffer. Ne parlons pas de chauffage central. Du moins, qu'un manteau puisse les protéger. Les vieux sont si contents lorsqu'un costume de dimanche leur rappelle des jours heureux, malgré qu'ils soient souvent arrivés à l'asile, couverts de loques et de vermine. On n'aspire pas au luxe, même pas au beurre, par exemple. On n'en achète jamais.
Les petites sœurs ne sont pas inquiètes - du moins ne s'en donnent-elles pas l'air afin de ne pas troubler la quiétude de leurs aînés - que la subsistance puisse manquer à ceux-ci. Elles s'en priveraient elles-mêmes, mangeraient des herbes s'il fallait, et comme elles l'ont fait, des fois, lorsque l'Algérie n'était pas encore riche.
Elles ne refusent personne, âgé de plus de 60 ans, pourvu qu'il porte l'estampille des pauvres, qu'il soit sans ressources suffisantes à sa subsistance, sans égard à sa capacité de travail, son infirmité (il se trouve une dizaine d'aveugles à l'asile), sa nationalité, sa race, sa religion.
L'hospice comprend : un bâtiment principal pour les hommes, un tel pour les femmes, les deux se joignant par une chapelle destinée à l'usage commun ; de même pour celui-ci les dépendances, le jardin, les champs, le cimetière. Dans chaque bâtiment principal il y a une infirmerie pour recevoir les malades et infirmes ; elle est située, pour la commodité de ceux-ci, à l'étage inférieur. Un médecin généreux y vient régulièrement donner des consultations et des soins gratuits. Les malades et infirmes, d'un côté, les valides de l'autre ont leurs réfectoires, terrasses, dortoirs.
La nourriture, servie par les sœurs et par 3 repas journellement, est appropriée, saine, abondante, variée. On donne un vin léger, des fois le dimanche un morceau de poulet à chacun. Une petite porcherie et un important poulailler tous deux aux dépendances, sont mis à contribution. 50 kilos de pain et 30 litres de lait par jour viennent du dehors. A chaque réfectoire se joignent un fumoir (pour les hommes), un boudoir (pour les femmes), des terrasses, d'où une vue magnifique s'étend, le long du Beau-Fraisier jusqu'à Alger et la mer.
Les hommes reçoivent des pipes, du tabac, des cigarettes. Les fumoirs ou boudoirs contiennent des fauteuils avec des coussins, des jeux de cartes, de la lecture. Pour les malades et infirmes : des fauteuils à roulettes. Soit à ces endroits, soit à la cour, des amitiés se nouent, des confidences se font et l'ennui est chassé loin.
A 9 heures du soir tout le monde est couché dans des dortoirs spacieux ; chacun à son bon lit, en hiver avec édredon. A 7 heures du matin on est levé, parce qu'il est l'heure du grand bol de café au lait. Tous les samedis soir chacun trouve au pied de son lit un paquet contenant tout le linge qu'il lui faudra pour la semaine : deux serviettes et un bonnet de nuit n'y manquent pas. Mais à la Réserve chacun aura des vêtements qu'il portera lorsque les siens seront usés.
Personne n'est astreint au travail, ni au service religieux. On accorde même une journée de sortie par quinzaine et par autobus aller et retour jusqu'à Alger.
Œuvre belle et d'une utilité publique incontestable. Aussi œuvre de relèvement moral, parce que tous ceux et toutes celles qui ont la force nécessaire contribuent à fournir spontanément, c'est à dire, stimulés par l'exemple des sœurs, quelque travail, soit aux ateliers et dépendances, soit au jardin, soit aux travaux de ménage, lavage, couture, repassage, cuisine. Le produit en retourne à la communauté. Dans les ateliers travaillent : maçons, forgerons, peintres pour bâtiment, cordonniers, menuisiers. Ces derniers ont même confectionné un petit stock de cercueils. Au cimetière, de même, deux trois fosses sont toujours prêtes. Preuve de prévoyance ; sait-on, si le menuisier ou le fossoyeur âgés n'ont pas besoin demain et eux-mêmes de leur œuvre ? Cependant on vieillit chez les petites sœurs qui ne veulent pas perdre leurs ainés. Le doyen de la famille a 91 ans ; il est entré à l'hospice, il y a 23 ans.

Le 15 décembre 1959, on a fêté Noël chez les vieillards des Petites Soeurs des Pauvres, avec un spectacle (ballets, chants et sketches) donné par les élèves du Bon Pasteur de Châteauneuf.
L'Écho d'Alger du 16 décembre 1959


Le 19 mars 1960, pour la fête de la Saint Joseph, Mme Delouvrier et Mgr Duval ont servi le repas aux vieilards de l'hospice
L'Écho d'Alger du 21 mars 1960