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Une visite à
lObservatoire de Bouzaréah
Une route en lacets, bordée
deucalyptus et de pins poussant drus dans une terre rouge et dominant
Alger et tout le golfe baignés dune brume couleur de perle.
Un véritable coin de la Côte dAzur. Et voici, pour
compléter l'illusion, ?bres une large grille, un chemin serpentant
dans un grand parc oil poussent a lombre des pins, dont lodeur
de résine embaume lair, des plantes grasses, des géraniums
et des lavandes. Les cigales chantent. Cela évoque la Provence,
la Corniche dor à Cannes, les environs de Nice ? Mais cest
tout simplement la Bouzaréa ou, pour être plus précis,
l'observatoire. Un coup de sonnette au pavillon central. Une petite bonne
proprette et brune vient ouvrir.
M. Lagrula, sil vous plaît ? (M. Lagrula est le très
distingué directeur de lobservatoire.)
Il est ici, monsieur, et, sans façons, la jeune fille nous
fait pénétrer dans un bureau où la première
chose qui frappe est un vaste tableau noir couvert de chiffres et de formules
tracés a la craie.
Treès modeste, M. Lagrula nous reçoit
Il nest nullement surpris de notre visite après un si violent
séisme et c'est avec la plus parfaite amabilité qu'il nous
précède vers les services de séismographie où
il nous présente à M. Nicolini, chef du service méridien.
Tout, dabord M. Lagrula nous communique le résultat des enregistrements
de la journée du 7 et du début de la. matinée du
8 septembre.
- Le 7, nous dit-il, une première secousse est enregistrée
a 20 h 24 54. Elle est très violente et son épicentre
se trouve à 145 kilomètres dAlger, toujours dans la
même région éprouvée le 6 ; avec orientation
N.-E. Sw. Cette secousse est suivie dun autre ébranlement
à 21 h 56 17 avec épicentre à 125 kilomètres
; intensité forte. Puis, jusquà ce matin, aucune manifestation.
Cest seulement à 9 h 3' 48" que se produisit un nouveau
séisme, modéré celui-là, à 150 kilomètres
environ dAlger. Depuis nous navons pu consulter la bande denregistrement,
que nous ne relevons que toutes les 24 heures, et nous ne pouvons savoir
si de nouvelles secousses se sont produites.
VISITE AU SISMOGRAPHE
M. Lagrula nous quitte alors pour continuer ses travaux et nous confie
à M. Nicolini qui nous fait visiter le sismographe et nous donne
de très nombreuses et savantes explications sur la marche de ce
délicat appareil. Avant de descendre dans la cave où repose
l'appareil M. Nicolini nous dit :
- Il faut que je note lheure exacte de notre visite car nos
seuls pas sur le sol de la cave feront enregistrer de petites oscillations
qui pourraient être confondues avec de légers séismes.
Et cest exact, dès que nous regardons la bande de papier
sur laquelle une fine aiguille, semblable à celle dun baromètre
enregistreur, trace une ligne interrompue à la fin de chaque minute,
nous remarquons une série de petits traits horizontaux qui révélent
notre petit tremblement de terre artificiel. Et cela suffit à prouver
lextrême sensibilité dun appareil dont nous ne
donnerons quune rapide description. Deux cylindres horizontaux,
animés par un mouvement dhorlogerie reçoivent une
bande de papier glacé, préalablement passée au noir
de fumée. Sur cette bande vient se poser une aiguille commandée
par une horloge scientifiquement réglée et qui, comme nous
le disons plus haut, trace sur la bande de papier un mince sillon dans
le noir de fumée, sillon interrompu chaque minute, ce qui permet
plus tard de situer exactement lheure du séisme. A la moindre
secousse dans le sol ou sur le sol cette aiguille ne trace plus un sillon
perpendiculaire, mais sagitant horizontalement inscrit dans le noir
de fumée une série de sillons dautant plus rapprochés,
que le séisme est près et dautant plus large que lamplitude
est forte. Deux enregistrements sont opérés a la fois sous
deux orientations différentes, lune Nord-Sud, lautre
Est-Ouest. Par recoupement et comparaisons on arrive à situer le
séisme dont lépicentre est déterminé
par l'écartement des différentes ondes enregistrées,
ondes primaires et ondes secondaires, les premières étant
les ondes transmises horizontalement, directement à travers la
couche terrestre de lépicentre au sismographe, les secondes
celles parvenant de lappareil à la surface de la croûte
terrestre.
Mais, voyez-vous, nous confie M. Nicolini en remontant de la cave,
la véritable intensité nous la connaissons daprès
les impressions des personnes qui ont ressenti le séisme et voici
léchelle internationale publiée par M.Edmond Rothé,
directeur de lInstitut de physique du globe de Strasbourg et du
Bureau central séismologique.
Premier degré : mouvement microséismique noté par
les séismographes seulement .
Deuxième degré : secousse enregistrée par les séismographes
et constatée seulement par un petit nombre dobservateurs
au repos.
Troisième degré : ébranlement constaté par
plusieurs personnes au repos; assez fort pour que la durée ou la
direction; puisent être appréciées.
Quatrième degré : ébranlement constaté par
des personnes en activité, faiblement en plein air, mieux dans
les maisons, ébranlement des objets mobiles, des portes, des fenêtres,
craque-ent des planchers.
Cinquième degré : ébranlement constaté en
général par toute la population ; ébranlement dobjets
plus lourds; de meubles et de lits ; tintement de quelques sonnettes.
Sixième degré : réveil général des
dormeurs ; tintement général des sonnettes, oscillations
des lustres, arrêt des pendules ; ébranlement apparent des
arbres. Des personnes effrayées sortent des habitations
Septième degré : renversement dobjets mobiles ; chute
des plâtras du plafond et des murs ; tintement des cloches dans
les églises ; épouvante générale sans dommage
aux édifices bien construits.
Huitième degré : chute des cheminées ; lézardes
dans les murs;
Neuvième degré : destruction partielle ou totale de quelques
édifices.
Dixième degré : des bâtiments très solides
sont détruits. Il se produit des fentes dans le sol. Leau
des rivières, lacs, etc... est projetée.
Onzième degré : catastrophe : destruction des bâtiments,
ponts, digues, rails tordus, débordement des eaux.
Douzième degré ; grande catastrophe. - Aucune uvre
ne subsiste, montagnes effondrées, ébranlées. Des
chutes deau se forment, etc...
A la fin de cette lecture, M. Nicolini conclut :
Ainsi, on peut classer le séisme de Carnot au neuvième degré
ce qui le situe parmi les secousses très fortes.
Il ne nous reste plus qua remercier notre aimable cicerone et à
saluer M. Lagrula qui, modestement et avec ferveur, assisté de
trop peu nombreux collaborateurs, contribue à étendre le
champ des connaissances humaines dans les domaines mystérieux de
la cosmographie et de l'astronomie.
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