Le Plan "Simoun" : les documents et souvenirs de Francis Rambert
Nouvelle page mise sur le site le 29 mai 2014
Retour Sommaire
J'avais suivi les cours, pratiqué les exercices et effectué les stages et réussi aux épreuves du brevet de Préparation Militaire Élémentaire qui était indispensable pour l'obtension d'un sursis permettant de poursuivre des études supérieures jusqu'à 25 ou 27 ans. Les cours d'instruction théoriques qui avaient lieu, en semaine, en fin de journée, dans les locaux des associations sportives agréées (en l'occurrence au Lycée Bugeaud) et des séances plus "physiques" (parcours du combattant, exercices de tir) se déroulaient le dimanche matin au camp Basset à Beni Messous.

A l'issue du Conseil de Révision passé en janvier 1961 à la mairie d'El Biar, mon sursis qui me fut notifié en date du 20 juillet 1961, devait être valable jusqu'à 27 ans (soit jusqu'en 1969).
Mais... moins d'un an plus tard... ce sursis était arbitrairement annulé "par arrêté n°1941 du 19.5.62. du Haut Commissaire de la République en Algérie pris en application de l'ordonnance ce n° 62.574 du 17.5.62.". C'était la discriminatoire opération "Simoun"... et les sursitaires métropolitains pouvaient, eux, poursuivre leurs études...
Et je recevais, comme tous les jeunes Pieds-Noirs, sursitaires ou pas, un ordre d'appel sous les drapeaux et j'étais convoqué le 12 juin 1962, avant 8 heures, au camp du Lido où en compagnie d'autres algérois, j'ai souscrità quelques formalités administratives. Puis, en milieu de journée, à bord de camions militaires bâchés d'où nous ne voyions rien de l'extérieur à l'exception des automitrailleuses qui nous "protégeaient" (ou nous surveillaient), nous avons été convoyés (munis d'une ration K et de pain de guerre) jusqu'à un aérodrome militaire (probablement Boufarik ?) où nous attendaient deux Nord 2501 qui ont rapidement décollé en début d'après midi, direction Strasbourg. Transfert dès notre atterrissage en fin d'après midi dans une caserne de Kehl où nous avons passé la nuit avant d'être ventilés le lendemain matin dans trois unités de la 5ème Brigade Blindée (3ème Division) stationnées à Tübingen et Reutlingen (24ème Groupe de Chasseurs Portés, 2ème Régiment de Cuirassiers et, pour ma part 405ème Compagnie de Commandement et de Transport du 405ème Bataillon des Services).
L'insigne du 405ème Bataillon des Services qui rassemble les symboles des 4 unités qui le composaient et notamment, au centre, la roue dentée de la Compagnie de Commandement et de Tranports. Les trois croissants sont ceux de la 3ème Division héritière de la glorieuse 3ème Division d'Infanterie Algérienne de 1943-45 qui s'était illustrée lors de la campagne d'Italie, du débarquement de Provence et de la campagne de France et d'Allemagne A Tübingen am Neckar, les bâtiments et la cour de la caserne du 405ème BS, qui outre les quatre unités le composant (Compagnie de Commandement et de Tranports, Compagnie d'Intendance, Compagnie Médicale et Compagnie Légère de Réparation du Matériel), hébergeait aussi une compagnie de Génie de Brigadement
Dans la journée, nous avons donc rejoint en GMC par l'autoroute, Tübingen pour la vingtaine d'entre nous qui avions été affectés au 405ème BS. Dès le lendemain, nous passions chez le coiffeur pour la "coupe d'incorporation" (voir le livret militaire...) avant de recevoir un paquetage absolument neuf (y compris les tenues camouflées et les rangers et les casques léger et lourd) et alors que nous étions, en petite tenue, en train d'essayer de ranger toutes ces affaires dans les placards de nos chambrées, nous avons eu le visite inopinée du général Gribius.
Nous avons rapidement compris que nous étions tombés dans ces unités comme des cheveux sur la soupe et pendant une quinzaine de jours il ne savaient pas trop quoi faire de nous. Aussi nous avons commencé à nous photographier, comme moi, ici, devant le socle du mât du drapeau.
Une partie des garages dans lesquels sont stationnée le tout nouveaux camions Berliet GBC-8-KT qui commençaient à remplacer les GMC datant la 2ème Guerre Mondiale et qui vaient servi en Indochine et en Algérie. Pour occuper nos journées en attendant l'incorporation des recrues métropolitaines de juillet, nous étions ivités à accompagner les chauffeurs qui, en convoi, effectuaient le rodage de ces véhicules (à 80 km/h !) entre Tübingen et Freudenstadt. Au milieu de la cour le mat avec le drapeau qui a été le théatre de notre "exploit" : au matin du dimanche 1er juillet, nous avons tous arboré un ruban noir sur le col de nos treillis et nous sommes descendus dans la cour. Nous nous sommes formés en carré, au garde à vous, autour du drapeau que nous avons descendu puis mis en berne à mi hauteur. Le drapeau a été subrepticement remonté dans la journée et nous nous attendions logiquement à des sanctions pour cette acte d'indiscipline, mais nous n'avons eu aucune remontrance de l'encadrement, ce que nous avons considéré comme une marque d'assentiment.

SURSIS ANNULE PAR ARRETE N° I94I
DU I9.5.62. DU HAUT COMMISSAIRE DE
LA REPUBLIQUE EN ALGERIE PRIS EN
APPLICATION DE L'ORDONNANCE N°
62.574 DU I7.5.62.
CONVOQUE A FORT DE L'EAU LE . . . I2.6.62
ARRIVE AU CAMP DU LIDO LE . . . .
SERVICE COMPTANT DU . . . . . . . I.6.62

Libéré le 15.8.62 en exécution du
message N° 16630/3°DIV/GEN-EN-CHEF
du 9.8.62. Non volontaire pour
terminer obligations légales. Est
renvoyé dans ses foyers. Se
retire à : 16 - rue Charles NODIER
San-Vicens - PERPIGNAN
ROC. le 16 Août 1962
à SP. 69 558 le 11.8.62
MDL/CHEF STOUVENOT
CHARGE PUT DES EFFECTIFS

Deux très mauvais clichés de notre chambrée dans laquelle je ne me souviens que de quelques uns de mes camarades : Richard (qui fut mon condisciple au Lycée Bugeaud), Costa, Bedon qui avait été en classe avec celle qui devait devenir mon épouse, un séminariste que nous appelions bien entendu "l'Abbé", et, difficilement reconnaissable sur le deuxième photo, Diehl dit Félo ou le Vagabond
Sur le capot des GMC en cours de remplacement par les Berliet GBC-8KT, Bedon, en tenue camouflée (mais en savates !) alors que je suis en tenue réglementaire de sortie Avec Bedon, en tenue de sortie, probablement un dimanche matin avnt d'aller à la messe (notre seulle sortie autorisée et en groupe) à l'issue de laquelle on nous amenait pendant une heure environ au foyer de garnison où il y avait un piano sur lequel Bedon jouait quelques morceaux
En tenue camouflée sur le capot d'un Berliet GBC-8KT En tenue de sortie, probablement un dimanche matin...