|
Ourlée par le rivage
de cette mer ardente, Alger la capitale accrochée à ses flancs,
Bouzaréa est là, sentinelle vigilante Perchée sur le
massif sous le baiser du vent. A
l'est Sidi Ben Nour puis Notre-Dame d'Afrique Un serpentant chemin et des
vues magnifiques Découvertes au travers des arbres et du maquis
Par les yeux éblouis du visiteur ravi. La
belle route des crêtes conduit au Communal Puis après La Tribu
aux pins de Baïnem Par les bas-fonds humides, abris des cyclamens
Les pistes nous amènent aux plages du littoral. Un
ravin escarpé ouvre un panorama Sur une plaine immense, nous sommes
en Mitidja Le Sahel et l'Atlas que l'on peut admirer Au delà d'un
halo brumeux, bleuté, léger. Au
dessus des nuages, chauffée par le soleil Rafraîchie par les
brises d'un régime sans pareil Les étés y sont doux,
les hivers très cléments Bouzaréa c'est ça, sous
le baiser du vent. Recherché,
réputé, ce climat merveilleux Aide à la guérison
les pauvres tuberculeux Venus retrouver là un renouveau d'espoir
Dans l'ambiance amicale d'une ville sans histoire. A
l'ombre des platanes, la montée des écoles Macadam favori des
pilotes de carrioles Rejoint sur la colline la Poste et la Mairie A deux
pas du clocher de l' Église Saint-Louis. Depuis
l'Observatoire, de par le monde connu Des astronomes veillent au bout de leur
lunette Explorant sans relâche ces univers perdus Que sont les galaxies,
les étoiles, les planètes. Par
dizaines, par centaines, ils passent tous par l'Ecole Bientôt instituteurs
et maîtres de nos enfants Appelés Normaliens pendant deux ou
trois ans Ils rejoignent ensuite la grande métropole. La
route des Vieillards et voici Montplaisant Un relief très marqué,
sauvage, assez charmant Les Petites Soeurs des Pauvres travaillent dans le
couvent Bouzaréa c'est là, sous le baiser du vent. Loin
du bruit, dans l'air pur, étonnés par les lieux Derrière
leur chevalet, des peintres réputés Des écrivains célèbres
pressés de raconter Y produisent des chefs d'uvres, inspirés
par les dieux. Tous
les petits commerces bordent la Rue Principale Entre le forgeron et le marché
couvert Épiciers et bouchers, cafetiers et coiffeurs Occupent les
trottoirs et présentent leurs étals. | |
Tous les jours
réunis, Musulmans, Juifs, Chrétiens. Espagnols et Français,
Arabes et Italiens Partagent une existence, souvent rude, laborieuse Que
jalonnent par bonheur de fréquentes noces joyeuses. Près
du kiosque à musique, les longues fêtes du village Les rites
religieux, les baptêmes, les mariages Le Ramadan, l'Aïd, sacrifice
du mouton Le Grand Bal des sportifs, le Kippour, le Pardon. Orchestres
renommés pour faire danser les filles Les cliques et les fanfares assurent
les défilés Musiciens virtuoses dans beaucoup de familles
Les chants et la musique sont partout vénérés. De
toute la commune, des bourgs du voisinage Des groupes de jeunes accourent,
impatients, pas très sages Au bal du dimanche soir, au cinéma
d'antan Bouzaréa s'amuse, sous le baiser du vent. Dans
la campagne fertile, éleveurs, maraîchers Produisent avec succès
des lapins, des poulets Des légumes et des fruits pour les marchés
d'Alger Celui de Bab-el-Oued est le plus fréquenté. Travailleurs
acharnés, quelques horticulteurs Artistes des bouquets, créateurs
de bonheur Descendent vers les marchés d'énormes brassées
de fleurs Pour embaumer la vie de subtiles senteurs. La
cuisine espagnole, surtout la paella Le couscous des Arabes, les beignets,
la chorba Les recettes mahonnaises, les pâtes, les cocas La mouna,
l'escabèche et aussi la loubia. Les
mères et les grand-mères sont souvent cordons bleus Mais des
hommes très habiles se laissent prendre au jeu Pour assurer tranquilles
les gueuletons, les banquets Qu'il faut organiser tout au long de l'année. Sur
la place du village, les petits garçonnets Se chamaillent, pleins d'adresse,
acharnés Les noyaux, les toupies, les billes et les bonbons Les
plus grands aiment courir, s'entraîner au ballon. Le
cross, la gymnastique et même le basket-ball Le sport est à l'honneur,
juste pour participer Sans distinction de race, les victoires sont fêtées
Aux boules la Lyonnaise, au cuir gras le football. Des
noms évocateurs, de pittoresques quartiers Air de France, Frais-Vallon,
le bourg de Montplaisant Le calme Village Céleste, Beau Soleil, Beau-Fraisier
Bouzaréa s'étale, sous le baiser du vent. Tous
ceux qui y sont nés, sous le baiser du vent Tout ceux qui y
restaient, sous le baiser du vent Reconnaîtront sans peine, sous
le baiser du vent Le coin de mes vingt ans, sous le baiser du vent.
Francis
Mercadal composé
pour l'essentiel à Madrid au cours d'un petit séjour chez Nathalie,
fin novembre 2002 | |