Cafés
et jeux de boules
Les cafés (on ne disait pas les
"bars"), c'étaient d'abord trois établissements,
situés tous sur le coté gauche de la route qui montait à
Bouzaréah et dont chacun n'était connu que par le nom du cafetier.
Il y en avait bien un quatrième, "le Normandie", implanté
plus bas et de l'autre coté de la route, mais il semblait moins populaire
(la preuve : il n'a jamais été désigné par le
nom du tenancier, que d'ailleurs, je n'ai jamais connu), était perçu
comme un peu snob, peut-être en raison de son éloignement relatif
des trois autres.
Le café SENDRA d'abord,
le plus proche de l'École Normale d'Instituteurs, réputé
pour la qualité de sa "kémia".
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Vue
d'Air de France et du Café Sendra, prise de l'Ecole Normale
Cliquez
sur la photo pour l'agrandir |
Le café SAUREL, le "Novelty
Bar", un peu plus bas, juste au-dessus du carrefour, avec une marquise
qui servait d'abri pour l'arrêt du trolleybus (plus tard l'arrêt
sera déplacé de l'autre coté du carrefour) et une pompe
à essence Stelline, rouge, fonctionnant à la main.
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Un
cambriolage au café Saurel
(Echo d'Alger du 29 septembre 1951) |
Ce café, avait précédemment
été le "New Bar", propriété de Monsieur
Raymond GOUJON avant qu'il ne le vende à Monsieur SAUREL, pendant
la guerre 1939-45.
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Carte
de visite du Café-Restaurant le "New-Bar" de Raymond
GOUJON |
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Une autre carte
de visite du "New's-Bar" (à noter l'ajout du 's),
conservée par Édouard "Doudou" Pons, animateur
du site sur l'École Normale d'Instituteurs de Bouzaréah
(http://www.bouzarea.org) et transmise par Roger Lévy, tous
deux anciens normaliens qui pouvaient donc bénéficier
des "prix spéciaux" que leur réservait cet
"établissement de 1er ordre".
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Raymond Goujon
devant le New's-Bar
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Enfin, un peu après le carrefour,
le "Café des Pins", dont le patron "Pierrot"
ORDINEZ était aussi réservé, voire d'aparence bourrue,
que son épouse Paulette était enjouée, ouverte, exubérante,
où fut installé plus tard, une pompe à essence BP
Energol verte, à fonctionnement automatique à coté
d'une pompe à main pour l'approvisionnement des fameux fourneaux
à pétrole dont il fallait déboucher le brûleur
au moyen d'une aiguille spéciale. Les enfants Ordinez Micheline et
Alain (né en 1948) fréquentèrent l'école mixte
d'application d'Air de France.
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Annonce
des fiançailles de Paulette Olivès avec Pierre Ordinez
Echo d'Alger du 28 février 1940 |
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Faire-part
du décès de Pierre Ordinez (père), grand-père
d'Alain Ordinez
Echo d'Alger du 17 janvier 1948 |
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Annonce
de la naissance d'Alain Ordinez
Echo d'Alger du 24 décembre 1948 |
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Le
nouveau "Café des Pins" (Ordinez) en construction
en 1961 |
Là, fut aménagé
au début des années 50 le terrain de boules (on préférait
dire le "boulodrome", ça faisait plus sérieux, plus
technique) du CBB, le Club Bouliste de Bouzaréah.
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Création
du boulodrome du CBB au café Ordinez à Air de Fance
(Echo d'Alger des 13 janvier et 19 mars 1950) |
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Groupe
de boulistes du CBB au boulodrome du Café des Pins (Ordinez)
dans les années 1950
Passez
la flèche sur les visages. Si elle se transforme en petite
main, vous découvrirez le nom du personnage
Francis Mercadal a complété
l'identification de quelques boulistes présents sur cette
photo : au premier rang, après Messieurs Bosc et Lévy,
le joueur accroupi à droite est Monsieur Casanova qui était
aussi un des dirigeants du club. Au deuxième rang, tout a
fait à gauche, l'homme à la casquette, c'est Joseph
Miano dit "Pépète" le meilleur tireur de
tous les temps à Bouzaréah, avec un élan à
trois pas et une boule lancée haut qui lui permettait de
réaliser assez souvent des carreaux. Dans le fond, en arrière
plan avant Messieurs Campin et Olivès, il s'agit d'Alfred
Alzina, un autre bon tireur, avec son style tout en force.
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Allez
voir la page de souvenirs de Francis Mercadal sur le
jeu de boules à Bouzaréah. |
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On y jouait non pas à la pétanque, mais à la "longue"
autrement dit au jeu lyonnais (mais on rejetait ce terme car, comme dans
les textes de Pagnol, on y trouvait une référence manifestement
trop flagrante à un nord que l'on préférait encore
ignorer) en doublettes, en triplettes ou, forme la plus noble du jeu, en
quadrettes dont le premier tireur était le véritable chef
de guerre, le capitaine.
La plupart du temps, le capitaine prenait
l'avis du premier pointeur, le sage de l'équipe, souvent le plus
âgé, avant de décider de la stratégie de "sa"
quadrette et d'assigner un rôle précis à chacun de ses
trois acolytes, le deuxième tireur et les premier et deuxième
pointeurs, demandant ou plutôt ordonnant à l'un ou l'autre
de montrer son talent, en fonction des circonstances et des aléas
de la partie.
Pour ceux qui ne connaîtraient
pas bien ce noble jeu, le principe consiste à placer ses boules le
plus près possible du but, petite boule en bois, d'un diamètre
de 35 à 37 mm, uniformément coloré que nous appelions
le "boulitche", le "petit" ou le "pitchoun".
La partie se joue sur un terrain aplani, en forme de rectangle d'une longueur
d'au moins 27 mètres 50 de long et d'une largeur de 3 à 4
mètres, délimité par des lignes tracées dans
la terre battue. A chaque extrémité, une zone non jouable
de 50 centimètres, précédée d'une zone de 2
mètres destinée au lancer du but, en avant de laquelle la
zone valide de jeu de 3 mètres 50 et entre les deux zones valides
une zone neutre dans laquelle les boules qui s'y immobilisent ne sont pas
valables (il en est de même pour les boules qui sortent des limites
latérales du terrain et de celles qui s'immobilisent au-delà
de la zone valide de jeu). Plusieurs terrains de jeux pouvaient coexister,
juxtaposés, et, à vrai dire, j'ai longtemps cru, à
tort, que le terme de quadrette provenait du fait qu'il y avait quatre de
ces jeux sur les terrains d'Air-de-France.
Chaque mène se jouait alternativement dans un sens puis dans l'autre
du terrain, jusqu'à ce qu'une des deux équipes atteigne le
score de 13 points.
La position du "boulitche"
et de chaque boule jouée et immobilisée dans la zone valide
de jeu était marquée au moyen d'une baguette d'une longueur
de 50 centimètres appelée tout naturellement le "cinquante".
Cette baguette était souvent
pliable ou, mieux, rétractable, afin de lever les incertitudes et
les contestations en comparant les distances qui séparaient le "boulitche"
de deux boules litigieuses. Elle servait également à retracer
le cadre du jeu et à délimiter la zone de validité
d'un tir, l'impact de la boule tirée devant se situer à moins
de 50 centimètres de toute boule déplacée à
la suite du tir. Si l'impact de la boule tirée se situait en avant
cette limite, le tir était considéré comme invalide
et les boules ainsi déplacées étaient repositionnées
à l'emplacement marqué qu'elles occupaient avant le tir. Ce
type de tir, peu orthodoxe, non validé, était qualifié
de "tir à la raspaille" et son auteur était alors
en butte aux moqueries et aux quolibets de ses adversaires et des spectateurs.
Car il y avait toujours beaucoup de spectateurs pour assister à ces
joutes, encourageant leurs favoris et tentant de déstabiliser leurs
adversaires par d'expressives mimiques. Le comble de la honte et du déshonneur
pour une équipe était la perspective de se retrouver battue
sans avoir marqué aucun point (score 13-0). On disait alors que l'équipe
défaite était "Fanny" et chacun de ses membres devait
alors se soumettre au cérémonial humiliant, consistant à
se rendre devant une niche masquée par un rideau rouge qu'il fallait
soulever pour découvrir le postérieur dévêtu,
épanoui et rebondi d'une figurine en plâtre ou en bois peint,
la fameuse "Fanny". Chacun des perdants devait alors s'approcher
lentement et presque religieusement de la figurine et poser ses lèvres
sur le postérieur dénudé de la Fanny, sous les railleries,
les plaisanteries plus ou moins grivoises et les huées d'une assistance
égrillarde qui, pendant les jours, voire les semaines qui suivaient,
ne manquait pas de rappeler aux vaincus qu'ils avaient "embrassé
la Fanny".
L'engouement local, les passions pour
ce jeu de boules (mais peut-on utiliser le terme de jeu pour une activité
à laquelle présidait le plus grand sérieux, non exempt
de forfanterie et de suffisance pour les plus adroits ou les plus chanceux
?), conjugué peut-être à des rivalités, des jalousies
ou des aspirations de puissance locales devait conduire à créer
de toutes pièces, pratiquement simultanément, un autre boulodrome,
plus excentré, pour le BCAF ou Boules Club d'Air-de-France.
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AIR-DE-FRANCE
SPORT
BOULISTE - Le 15 courant, à 10 h. 30, à l'annexe
de la mairie, un groupe important de boulistes avait convié
les amateurs de ce sport à assister à une réunion
leffet de fonder une société de boules à
Air-de-France.
Au cours de cette réunion, furent exposés les statuts
de la future société, adoptés à lunanimité
; puis, à lélection des membres du bureau directeur
de cette société qui prend pour titre : Boule Club
de l'Air-de-France (BCAF), sont élus : président,
M. Héros Gilbert ; vice-présidents, MM. Nadal Georges
et Vitiello Georges; trésorier, Chichportiche Manuel ; adjoint,
Ripoll Jean ; secrétaire, Cholet Henri ; directeur sportif,
Matteï Jacques ; assesseurs, Mérel Raymond, Tabet Étienne,
Laugier Pierre, Galouze Ali ; délégués à
la 38ème Fédération, Héros et Cholet.
Le siège du BCAF est à lannexe de la mairie.
Meilleurs vux de prospérité à la jeune
société
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Création
du Boule Club d'Air de France
(Echo d'Alger du 20 janvier 1950) |
Pour
aménager cet endroit qui servait auparavant de décharge de
gravats, tous les membres du club en devenir, durent mettre la main à
la pâte pour nettoyer le terrain, le combler, le drainer, l'aplanir
et surtout construire l'impressionnant mur de pierre bleue qui soutenait
le terrain du coté de la rue en pente (qui sera baptisée plus
tard rue du Béarn).
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AIR-DE-FRANCE
BOULE-CLUB
D'AIR-DE-FRANCE DELY-IBRAHIM
Dimanche 7 mai, la société fera disputer sur son terrain
dAir-de-France, en doublettes et à la mêlée,
un concours inter membres qui sera doté des prix suivants
:
1er prix : 2 chemisettes homme offertes tes par le chemisier Étienne
Tabet ; 2ème prix : 2 bouteilles de parfum offertes par notre
barbier coiffeur Ripoll ; 3ème prix : 2 bouteilles d'anisette
offertes par notre sympathique barman Sendra.
Jet du but, 13 h 30, engagement 100 Fr. par joueur inscrit.
Le président et tous les membres du Boule-Club adressent
leurs plus vifs remerciements à nos amis Teranova Emmanuel
et Santamaria Michel, entrepreneurs, pour laide matérielle
quils ont apportée à la construction du boulodrome.
(Echo
d'Alger du 4 mai 1950)
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AIR-DE-FRANCE
Malgré
le temps incertain, une quinzaine de doublettes sa sont affrontées
le dimanche 7 mai, sur notre coquet boulodrome.
Après de belles parties âprement disputées,
la finale a vu la victoire de léquipe Mattéi
- Ripoll Jean qui sadjuge les deux chemisettes, battant Vitiello
fils - Ripoll père, par 13-7 ; pour le troisième prix,
victoire de Ferrer - Tabet.
Le matin, une quadrette sétait déplacée
à Bouzaréa pour participer au concours offert par
la SSB. N'ayant pu jouer par suite du mauvais temps, nos joueurs
sont revenus charmés par laccueil qui leur avait été
réservé.
(Echo
d'Alger du 11 mai 1950)
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Annonce et résultats
du premier concours de boules disputé sur le nouveau terrain
du BCAF
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Annonce
de l'inauguration du boulodrome du B.C.A.F., prévue le 22 juillet
1950
(Echo d'Alger du 19juillet 1950) |
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Au
B..C. Air-de-France
Une
fois de plus, la jeune société bouliste dAir
de France a marqué son activité dimanche 22 juillet,
par un concours inter membres réunissant 20 doublettes.
Généreusement dotée par MM E. Tabet et Sandra,
cette compétition se déroula dans le coquet boulodrome
du BC Air de France, devant un nombreux public.
Parmi les jeux délimination, des doublettes réputées
se firent éliminer, entre autres Heros et Domenech François,
puis nos sympathiques Laugier Pierre et Serrer. En demi-finales.
encore deux vedettes du BCAF durent sincliner devant les jeunes
éléments de ce club. après une partie chèrement
disputée qui tint la galerie en émoi et qui se termina
par le résultatt de 13-10.
En finale la doublette Nadal Georges et Matteï Jacques battit
Saurel Geral et Ripoll Jean par 15-10.
Finale de jeunes qui promet de l'avenir au boulisme et surtout à
la belle société amicale que dirige avec tact et compétence
son président, M. Heros que nous tenons à féliciter.
(Echo d'Alger
du 25 juillet 1951)
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Concours lors
de l'inauguration du boulodrome du B.C.A.F le 22 juillet 1951 (indiqué
janvier par erreur)
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L'entrée
du boulodrome du B.C.A.F. |
Parmi les boulistes de ce BCAF (dont
Monsieur TABET fut un des derniers à assurer la présidence),
avait émergé un certain nombre de "vedettes" locales
parmi lesquels le père LAUGIER et ses fils, et d'autres dont j'ai
oublié les noms, mais aussi un de mes oncles "Loulou" FERRER,
qui occupait le poste de premier ou deuxième tireur et marquait d'un
vigoureux claquement de sandale dont il était chaussé, la
fin de son élan au moment où il envoyait sa boule destinée
à débarrasser le terrain de celle que ses adversaires avaient
placé au plus près du "boulitche".
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Annonce
de l'attribution de la médaille de la Jeunesse et des Sports
à Mr Tabet, président du BCAF
(Echo d'Alger du 21 octobre 1958) |
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Une
fameuse quadrette du BCAF ou du CBB lors d'un concours
(probablement à Alger, la casquette est de rigueur !)
Passez
la flèche sur les visages. Si elle se transforme en petite main, vous découvrirez
le nom du personnage |
La partie terminée, il était
de bon ton que les vainqueurs offrent à leurs adversaires le verre
de l'amitié. On se dirigeait donc naturellement vers les cafés
où on refaisait la partie autour d'un "apéro", une
anisette, une "blanche", Cristal Limiñana, Flor de Anis
Gras ou Phénix, qu'accompagnait présentée dans de petites
coupelles, une superbe kémia gratuite, salée et pimentée
à souhait : variantes, oignons blancs au vinaigre, poivrons grillés
et aillés, filets d'anchois à l'huile, sardines en escabèche,
escargots en sauce piquante, loubia de haricots rouges au koumoun (on ne
disait pas cumin) et aux langues d'oiseaux (c'est à dire les piments
de Cayenne). La générosité de cette kémia offerte
par le cafetier n'était qu'apparente car la véritable motivation
de ces délices offertes était d'enflammer les palais afin
de susciter de nouvelles tournées qui se multipliaient, chacun y
allant de la sienne avant que se succèdent les rinçonettes,
en même temps que montait le volume sonore des discussions. |