ETUDE HISTORIQUE SUR LA VILLE D'AUMALE - Période Romaine
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PERIODE ROMAINE - 1
La ville d'Aumale est très ancienne, certains auteurs la disent fondée seize siècles av. J.C., par des Phéniciens, d'autres par Ithobal, roi de Tyr, cinq siècles et demi av. J.C. On y adorait le dieu Auzius.
Ce qu'il y a de certain, c'est qu'en l'an 16 av. J.C., sous l'empereur Auguste, Auzia existait. Selon Tacite, elle était construite sur un plateau de huit cents mètres de long sur trois cent cinquante de large environ, entourée de rochers et de bois.
Sa population urbaine pouvait être de 3.500 habitants, son climat était doux et sain, plusieurs pierres tombales indiquent encore des décès survenus à des âges de 70 à 100 ans. Aumale est à une altitude de 889 mètres au-dessus du niveau de la mer ; elle est située par 36 degrés 9 de latitude septentrionale et 0 degré 21 de longitude orientale. Elle est assise au pied du Djebel Dirah dont l'altitude au poste optique est de 1.810 mètres, et au Guergour 1.536 (prise d'eau).
La ville actuelle est bâtie sur l'emplacement de l'ancienne Auzia, sur un plateau légèrement incliné du Sud au Nord ; sa longueur est de 1.100 mètres, sa largeur extrême 400 ; sa population, 5.200 habitants.
Elle est bordée du côté est par l'oued Lekhal ou rivière noire (NASAVATH des Romains) qui prend sa source au Guergour, contourne la ville, prend le nom de Oued Djemma, après Aboutville, ensuite celui de Oued Eddous, près de Bouïra, celui de Soummam, près de Beni-Mançour et se jette dans le golfe de Bougie sous le nom de Soummam ou Sahel après un parcours de 195 km. Près d'Aumale et à un kilomètre elle a un affluent à l'est, l'Oued Satsàfà. Du côté ouest, l'Oued Kef El Hemmam qui prend sa source dans les Ouled Férha et porte le nom d'Oued de la Cascade (cascade qui se trouve sur son parcours. Rocher des pigeons) contourne la ville, reçoit l'Oued Souaghi et va se jeter dans l'Oued Lekahal au moulin Meyer, à cinq cents mètres au nord-est de la ville.
Auzia formait une confédération avec Rusguniae (aujourd'hui Cap-Matifou) et Equizétum, ville non rebâtie dont l'emplacement correspond à peu près au village actuel de Mansourah, près de Bordj-Bou-Arréridj, quoiqu'une grande incertitude règne à ce sujet.
Auzia portait au 2e siècle le titre de Municipe et de COLONIA SEPTIMA AURELIA AUZIENSE.
Tacite mentionne le CASTELLUM AUZIENSE (aujourd'hui Ain-Bessem), quartier général d'un commandant de frontière et qui portait le titre de Colonie.
L'inscription suivante y est. consacrée :
"AUZIO DEO GENIO ET CONSERVATORI COL" {inscription trouvée près de Bordj Hamza, fort turc Bouïra corpus n° 9014).
"Au dieu d'Auzia, génie et gardien de la colonie" (etc.)
L'historien Amien prétend que le point corrélatif à Auzia était LE CASTELLUM AUZIENSE. Une borne militaire maçonnée dans le mur de la ferme Giovanonni, à dix kilomètres au nord-est d'Aumale, à l'endroit dit El-Abia, porte cette inscription gravée sur pierre calcaire couchée de 1 m 10 sur 60 cm de haut :
  LIMES
PRAFR
  "Limes Provinciae Africae" (Limites de la province Africaine).  
Les limites de l'enceinte romaine (d'Auzia) qui était de forme ovoïde comme le démontre la carte ci-annexée, ont été relevées par le Génie en 1847. La partie Ouest prenait naissance près du chemin vicinal n° 8 à la porte de Médéa, franchissait les fortifications actuelles, traversait l'immeuble occupé par la commune mixte, la partie ouest de l'esplanade d'Isly et l'Hôpital, traversait la Manutention de l'angle nord-ouest à l'angle sud-est, se dirigeait ensuite sur la place d'Armes, occupait la cour de la caserne d'infanterie, pour ressortir au bastion n° 2.
J'ai pu relever des traces dans le talus des fortifications et dans le jardin de M. Olivier; ce propriétaire m'a affirmé avoir, en 1876, lors du déblaiement de cette partie du jardin, trouvé une grande quantité de pierres de taille qui ont été enlevées par des entrepreneurs.
Entre le bastion n°4 et la rivière, et à vingt mètres environ de cette dernière, j'ai pu relever l'emplacement d'un des bastions romains de 10 mètres de côté, dont les murs de droite et de gauche, encore visibles à fleur de terre, se dirigent d'un côté vers le jardin Olivier, de l'autre vers le bastion n° 4, où l'on aperçoit épars, quelques vestiges se rejoignant avec la partie est, qui ne devait certainement pas dépasser la hauteur des Halles aux grains, en raison du ravin qui borde les fortifications actuelles.
Du bastion n° 5 au n° 9 toute trace a disparu, les fortifications romaines devaient occuper à peu près l'emplacement des nôtres jusqu'à l'endroit indiqué plus haut.Sur l'Oued Hidria ou Lekhal, face au parc à fourrages, existent encore pêle-mêle, les grosses œuvres en pierres taillées d'une culée de pont renversée; une de ces pierres, longue encore de 1 m 50 épaisse de 0 m 55, large de 0 m 47, porte la trace d'une cavité centrale ayant 0 m 25 sur 0 m 30 et 0 m 16 de profondeur, faite pour recevoir une poutrelle ou un arc-boutant ; d'autres pierres dont une semblable, se trouvent non loin, emportées par les eaux.

 
JUBENTE DIVINA MAJESTE
DIOCLETIANI ET MAXIMIANI AUGUSTORUM
PONTEM BELLI SAEVITIA DESTRUCTUM
LIITUAM RESTITUTUM
 
"Sous les auspices du distingué Gouverneur, construisant sur l'ordre de leurs divines Majestés, Dioclétien et Maximin, un pont détruit pendant la guerre"
Entre ce pont et les fortifications, se voient encore les vestiges d'un four à chaux qui avait dû servir pendant la construction de ces ouvrages.
La nécropole romaine devait occuper la partie Nord-Est et Sud-Est, hors des fortifications, et s'étendait de l'autre côté de la rivière vers la ferme Grossat. Actuellement, on y rencontre que des vestiges, les stèles trouvées lors de l'occupation ont été transportées sur l'esplanade d'Isly.
En l'an 17 de notre ère, sous le roi Juba II, un Maure du nom de Tacfarinas, soldat de l'armée romaine, dont il étudia la tactique jusqu'à ce qu'il se crut suffisamment instruit, déserta. Chef de bande, il se mit à la tête d'une horde de dépravés, se fit reconnaître par la puissante tribu des misulamés, qui habitait les Monts AURAS (Aurès aujourd'hui) et avait pour chef Mazippa.
L'insurrection avait pour but de détrôner le roi Ptolémée, devenu impopulaire par sa paresse, son luxe effréné et l'abandon de son royaume a ses officiers.
Le proconsul d'Afrique, Marcus Furius Camillius, investi du titre de général, marcha contre Tacfarinas et son armée, remporta une grande victoire et fit de nombreux prisonniers. Tacfarinas, à la suite de cet échec, s'enfuit dans le désert.
Les honneurs du triomphe furent rendus à Camille par le Sénat de Rome en l'an 17.
Tacfarinas ne se tint pas pour battu. Trois ans après. il sortit de sa retraite avec une grande armée, ravagea une grande étendue du pays, s'empara du CASTELLUM FABATIANIUM, près du fleuve PAGIDA, coulant entre Constantine et Djidjelli, et fit subir aux troupes romaines de fortes pertes.
L'empereur Tibère apprenant ces désastres, dépêcha en Afrique un nouveau proconsul, ancien lieutenant de Germanicus, Apronius, qui se distingua pendant les campagnes de Drusus en Panonnie de 18 à 21 ap. J.C..
Dès son arrivée, il décima dans un engagement la cohorte ennemie et fit périr sous le bâton les soldats désignés par le sort. Devant ses défaites Tacfarinas changea de tactique, s'en prit aux campagnes semant la mort et la désolation. Longtemps il fatigua les troupes romaines par sa ruse, longtemps il leur échappa. Cerné tout à coup par le fils du proconsul, dans un lieu resserré entre la mer et les montagnes, il fut obligé de combattre de pied ferme : il ne se retira qu'à grand peine de la mêlée, abandonnant son butin. La plus grande partie de ses troupes resta sur le champ de bataille.
Rome décerna à Apronnius le titre de général, il fut en outre, revêtu des honneurs triomphaux qui consistaient en une robe d'honneur et un sceptre d'ivoire.
Juba II, qui s'allia aux Romains reçut également du Sénat des marques et titres honorifiques en récompense de ses services.
Tacfarinas était vaincu mais non lassé, le Sénat envoya contre lui, selon les voeux de l'empereur, un autre proconsul Caïus ]unius Blésus. Celui-ci se mit en campagne avec trois corps d'armée, un confié à Cornélius Scipion, son lieutenant ; le second aux ordres de son fils. Lui-même prit le commandement du troisième en ayant soin d'établir de petits postes dans les endroits convenables au fur et à mesure qu'il avançait. Après un fort engagement dans une de ces expéditions, il s'empara d'un frère du rebelle.
Tibère supposant de ce fait la guerre terminée, rappela en Italie une légion et Blésus, qui reçut les honneurs triomphaux en l'an 22. Le rappel de cette légion fut pour Tacfarinas, l'occasion de recommencer ses exploits. Il vint assiéger la ville de Thubusuptus, Tiklat, près du village nommé aujourd'hui El Kseur, à 37 km de Bougie.
Un nouveau général. Publius Cornélius Dolabella s'allia avec le roi numide Ptolémée.
Ayant appris que Tacfarinas se dirigeait sur Auzia, où il avait dans les environs établi un camp, dans les bois du château à demi ruiné d'Hamza non loin du Djurdjura (sud-ouest, en face de Bouïra).Dolabella profita de la difficulté des lieux pour prendre position et forcer Tacfarinas à accepter le combat. Réunissant tous ses détachements auxquels il donna l'ordre de n'emporter aucun bagage que les armes seulement, ses mesures si bien prises, le secret si bien gardé, que, parti pendant la nuit, il arriva au camp ennemi au petit jour. Les rebelles dormaient tranquillement sous leurs tentes, leurs chevaux paissaient en liberté. Surpris dans leur sommeil par les cris des assaillants et les bruits des trompettes, ils n'eurent même pas le temps de prendre leurs armes et tous furent massacrés dans une épouvantable confusion.
Le fils de Tacfarinas fut fait prisonnier sous les yeux de son père, la plupart de ses chefs massacrés, lui-même opposa une résistance désespérée voyant qu'il ne lui restait aucune chance de salut, il se jeta tête baissée dans la mêlée, où il trouva une mort honorable (an 24). Cette nouvelle répandit la joie en Afrique jusqu'à Rome. Cette campagne avait duré sept ans et demi et prit fin en l'an 24.
La récompense de Dolabella fut l'ingratitude de Tibère ; quant au roi Ptolémée, il reçut les honneurs du triomphe.
L'Afrique du Nord ou Mauritanie, ancien royaume de Bocchus, fut divisée par l'empereur Claude en deux provinces impériales (an 40), régies chacune par un procurator, la Mauritanie Césarienne et la Mauritanie Tingitane. La Mauritanie Césarienne avait pour capitale Cassarea (aujourd'hui Cherchell) ; elle occupait nos deux provinces actuelles Alger et Oran et avait pour limites à l'est le fleuve Ampsagas, l'Oued Kebir actuel qui se .jette dans la Méditerranée, assez loin de Bougie ; du côté de l'ouest le fleuve Molochath, aujourd'hui Moulouïa, fleuve septentrional du Maroc, qui naît dans l'Atlas et se jette dans la Méditerranée près de MelIlla, après un parcours de 450 km.
La Mauritanie Tingitane avait pour capitale Tingis, Tanger actuel, prenait ses limites à la Moulouïa et s'étendait jusqu'à l'Océan, elle forme le Maroc actuel.
Auzia faisait partie de la Mauritanie Césarienne. En l'an 260, éclatait une insurrection fomidable dans les montagnes du Babor, dans la chaîne du Djurdjura (Monts Ferratus), et une tribu voisine que l'on ne connaissait que sous le nom de son chef Faraxen, la tribu des Fraxinenses, mit en ligne quatre puissantes voisines conduites chacune par un chef.
S'étant séparées, elles n'eurent pas le succès qu'elles espéraient. Le Légat de Numidie, Décianus Macrinus les battit dans le pays de Milévum, près de Constantine au moment où ces tribus s'y dirigeaient, il les poursuivit sans relâche et les défit. Faraxen à la tête de son petit corps de transfuges, livra quelques petits combats et. vint échouer dans les environs d'Auzia, où il fut vaincu et tué par Gargilius, décurion d'Auzia et de Rusguniae.
Une inscription dédiée par l'édilité d'Auzia, le 8 février de l'année 221 de la province mauritanienne, mentionne cette victoire. Cette pierre se trouve actuellement ainsi que d'autres monuments déposés par mes soins dans le Musée. Ces documents sont pour Aumale de véritables pages écrites pour son histoire à l'appui de mon récit.
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