Les Chroniques d'Air de France
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Chapitre 7 : Jeux de garçons
Dernière mise à jour le 8 novembre 2008

Jeux de garçons

Les journées libres de classe, c'est à dire le jeudi et le dimanche ainsi que les vacances scolaires (15 jours à Noël, 15 jours à Pâques et les grandes vacances du 1er juillet au 30 septembre) nous avions tout loisir de nous adonner à différents jeux qui se déroulaient la plupart du temps sans mixité, les garçons d'un côté, les filles de l'autre. Aussi, sans machisme aucun, ne puis-je rendre compte, que des activités "masculines".
Au moment du Tour de France, dont nous n'aurions à aucun prix accepté de rater le radioreportage de l'arrivée en direct sur les postes à lampes de nos parents, c'étaient bien sûr, les courses de vélo, auxquelles participaient au mieux un peu plus d'une demi-douzaine de gamins avec Roger Lévy et son "Antonin Magne" à roues de 600, les frères Danus (Bernard et Lucien ?) et un petit espagnol dont j'ai oublié le nom (Esteller ?) qui nous battait presque toujours dans la dernière côte malgré son petit vélo à roues de 500. Pour ma part, je montais un "Sterling", avec roues de 550, que j'avais reçu pour le Noël qui avait suivi mon succès à l'examen de 6ème et au concours des Bourses. Tous ces vélos n'avaient pas de dérailleur et donc pas de changement de vitesse et nous étions déjà bien contents d'avoir une roue libre et non une roue fixe. Les courses en ligne se déroulaient toujours dans le sens des aiguilles d'une montre, autour du même pâté de villas, sur le même circuit fermé, sans grand danger en raison de la quasi-absence de véhicules automobiles. Il n'y avait en effet que trois ou quatre voitures qui circulaient dans le quartier : la grosse Hotchkiss de Monsieur Tabet, la camionnette Schneider de Monsieur Nadal, le plus souvent stationnée devant l'épicerie et qui sera remplacée par une des premières Dyna-Panhard et les deux camionnettes de travaux de l'entrepreneur en maçonnerie Botella.
Le départ de nos courses était toujours placé devant chez nous et les Bondet, rue du Bourbonnais, face à la propriété de la grand-mère de Bernard Adreit, qui louait un petit logement à une veuve, une toute petite bonne femme, Madame Bernardini. Presque immédiatement un premier virage à droite au niveau de la villa Dupré, puis rue du Berry avec passage devant les demeures des familles Dumas, Villeneuve, Madame Simonin, Milandre, Chaix, Madame Marini et les Massini, le petit immeuble rose, à un étage, où logeaient les familles Kechteil, Curos, Benhaïm, Lévy et Guzman dont le neveu Raymond Vila dit "Riri" partageait avec sa sœur Suzy nos jeux, puis les villas Suréda, les deux villas Lubrano (appartenant à mon grand-oncle) où demeuraient les familles Fenech et leurs enfants de nos âges, Jean-Marie et Geneviève, et mes cousines Ghislaine, Geneviève et Gisèle Sautet et leurs parents. Au bout de cette rue, , après les Santini et Monsieur Cormeret, on tournait à droite, rue de Bourgogne, passant devant chez les Ruiz, puis virage encore à droite chez Galouz, rue de Bretagne, descente encore jusque chez les Reisenssen puis côte assez dure pour nos petits mollets jusque chez les Tabet, un dernier virage à droite et un dernier raidillon, longeant les villas Lopez et Riéra jusqu'à la boulangerie Ferrouki et la courte ligne droite finale et plate, longeant un terrain vague sur lequel les Bagur firent construire une maison à la fin des années 50, la villa de Monsieur Martin, et enfin ligne d'arrivée qui se confondait avec la ligne de départ.
Chacun tenait à s'identifier aux vedettes du Tour de France cycliste, voulant être Louison Bobet, Jean Robic et André Darrigade, ou aux célébrités locales, Marcel Zélasco et Molinéris (jamais Kébaïli ou Zaaf "le casseur de baraques", dont les exploits nous enflammaient pourtant !), alors que le petit espagnol s'attribuait systématiquement le nom du champion ibérique Bernardo Ruiz, que personne ne songeait à lui disputer.
D'autres fois, lorsque d'autres garçons, mais aussi des filles, qui ne possédaient pas de bicyclettes voulaient se joindre à nous, nous allions chez Bouzid, rue du Dauphiné au Lotissement Lafumée, en face de la future Ecole Militaire des Transmissions, édifiée sur un grand domaine dont une partie avait été, pendant quelques temps, consacrée au terrain de football où s'étaient déroulés quelques matchs du club voisin, l'USB, l'Union Sportive de Bouzaréah (maillots à rayures verticales jaunes et noires). Bouzid nous louait pour quelques francs les vélos qui manquaient et dont nous pouvions disposer pendant une heure ou deux. Il ne nous demandait jamais de dépôt de caution ou une de pièce d'identité et il n'était vraiment pas à cheval sur les horaires.
Cela nous donnait donc largement le temps de faire une longue ballade qui après avoir longé le camp militaire du Train et être passé devant l'hôpital, nous menait jusqu'au barrage Vidal en bas de la "côte" de Beni Messous.
     
L'hôpital de Beni Messous
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Cette partie était la plus facile car ce n'était que de la descente mais le retour était plus éprouvant car il fallait avaler d'emblée cette satanée "côte" puis rouler sur un faux plat (depuis cette époque, j'ai appris que les faux plats sont toujours de vraies côtes) enfin passer le petit raidillon du chenil de la Gendarmerie pour arriver quelques hectomètres plus loin chez Bouzid ou nous rendions les bicyclettes louées.
Hors de la saison "cycliste", comme les rues non goudronnées n'étaient pas très roulantes, et que, à notre grand regret, nous n'avions pas la possibilité de faire des descentes en carrioles à roulement à billes, nous occupions nos loisirs avec toutes sortes de jeux comme le faisait probablement la plupart des autres gamins du pays.
Ainsi, comme le droit d'utiliser le boulodrome nous était refusé par les adultes sous le motif (pas tout à fait faux) que nous abîmions le terrain bien aplani en nous adonnant à des séances de tir dont chaque impact laissait une marque en creux dans le sol, il ne nous restait que le loisir de jouer à la pétanque dans les rues de terre du village. Les boules plus petites étaient certes mieux adaptées à la taille de nos mains juvéniles et nous ne risquions pas de détériorer le terrain des adultes, mais nous ressentions comme une injustice de devoir nous cantonner à un jeu de boule moins noble que la quadrette. Après le bitumage des rues du village, un accès limité au boulodrome nous fût accordé, sous réserve de ne pas pratiquer les séances de tir dont le terrain aurait eu à pâtir.
Nous jouions alors aux billes, le plus souvent en terre, parfois en verre, plus rarement en agate. Chaque joueur plaçait une ou deux billes à l'intérieur d'un carré ou d'un cercle tracé sur le sol et gagnait celles qu'il arrivait à faire sortir de cette surface en la visant avec une autre bille ou avec un "pouce" (le "calot" n'existait pas encore).
Il y avait aussi, et Francis Mercadal a eu récemment l'occasion de le vérifier auprès de quelques amis d'enfance, "le trou". A environ 3 mètres de la ligne de départ, les joueurs préparaient un petit trou dans le sol. (diamètre d'environ 10 cm., profondeur de 6 à 7 cm., en forme de bol ). Pour avoir le droit de tirer, depuis le bord du trou, sur le "pouce" (bille de tir, plus grosse que les billes "ordinaires) d'un adversaire, il fallait d'abord envoyer son propre pouce dans le trou. En cas de tir au but, la bille touchée devenait la propriété du tireur. Il fallait donc s'approcher du trou, en prenant des risques, pour tenter d'y tomber et tirer. A plusieurs joueurs, ça devenait très tactique.... Le terrain de jeu favori était la Place Martinelli que les gamins partageaient avec les joueurs de boules qui arrivaient malgré les platanes à y tracer l'aire de jeu de la lyonnaise.
La saison des abricots voyait réapparaître chaque année, les jeux de noyaux. Il s'agissait de démolir à l'aide de noyaux d'abricots lancés depuis une ligne, des tas formés par chaque joueur de trois noyaux juxtaposés en triangle surmontés d'un quatrième noyau. Celui qui parvenait à démolir un de ces tas, ramassait les noyaux qui avaient constitué ce tas plus le noyau qui l'avait détruit. Mais le grand gagnant était celui qui abattait le dernier tas car il ramassait alors tous les noyaux qui n'avaient pas atteint leur cible.
Lorsque l'un avait perdu beaucoup de noyaux et qu'il ne lui en restait plus uffisamment pour participer à de nouvelles parties, il réclamait un "à qui tire, y gagne 5", il recevait cinq noyaux s'il parvenait à toucher avec un de ses noyaux restants, l'un des trois ou quatre noyaux déposés à deux ou trois mètres de la ligne de lancer.

Pour satisfaire Fernand Ledjam, la photo (merci à Bernard Venis) d'un tas de 4 noyaux d'abricot, pas encore détruit par les joueurs
Nous organisions aussi des courses de capsules de boissons gazeuses que nous faisions progresser, au moyen de pichenette de l'index, le long d'une piste tracée sur le sol : "Orangina", "mieux qu'un soda" inventé en Algérie, "Crush" et "Slim", "le citron qui prime", les deux fleurons d'Hamoud Boualem (à côté de l'incontournable Sélecto), "Verigoud" (orange, citron, mandarine), "Pam-Pam", les bières "la Gauloise", "BGA" (Brasseries et Glacières d'Algérie) et "33 Export", les eaux "de France" Vichy et Perrier, et d'Algérie, source Leblanc et Ben-Haroun
Mustapha Bebbouchi se souvient aussi du jeu du "SIG" ou des "roseaux" qui utilisait les ressources locales bien fournies et gratuites : ce jeu ne nécessitait que l'utilisation de 5 morceaux, d'environ 10 cm de long, de roseaux coupés dans la longueur, chaque morceau ayant donc un coté creux (d'une valeur de 5 points) et un coté bombé (d'une valeur de 10 points). Comme indiqué sur le dessin de Mustapha, il fallait : 1. empoigner les 5 roseaux, 2. les jeter vers le haut et 3. en récupérer le maximum sur le dos de la main (ceux qui étaient tombés à coté étaient annulés et ne rapportaient aucun point). Il fallait alors 4. les faire glisser ou retourner sa main de façon à marquer le plus de points en ayant un maximum de roseaux présentant leur coté lisse.
Le roseau nous servait aussi de matière première pour fabriquer les armatures des cerfs-volants, à condition de disposer de papier de couleur très léger mais très résistant (papier cristal par exemple, mais le plus souvent papier d'emballage), de quelques morceaux de ficelle pour assembler le squelette du cerf-volant et pour en faire la queue où était fixé un nombre plus ou moins grand de papillotes, d'un peu de colle blanche empruntée subrepticement dans notre trousse d'écolier et d'une autre grande longueur de ficelle destinée au pilotage en vol du cerf-volant. La construction plus qu'artisanale de ce type d'engin nous occupait pendant de longs moments avant que nous passions à la phase "expérimentale" du lancer qui se révélait hélas, souvent catastrophique, l'engin ne parvenait pas à s'élever et terminait très souvent sa brève course par un contact brutal avec le sol ou dans un arbre et la destruction de l'oeuvre, légère mais fragile et ephémère, qui nous avait tant occupés.
Francis Mercadal nous a rappelé aussi d'autres jeux de "pauvres" qui ne nécessitaient comme matériel que ce que nous trouvions sans frais : des petits cailloux et un sol lisse nous permettaient de jouer au "carré arabe" (pourquoi arabe ?), ou à une variante des osselets où cinq petits cailloux remplaçaient avantageusement les os de mouton. Lorsque nous disposions d'un petit canif (mais il fallait alors se garder d'être surpris par les adultes) nous dessinions sur le sol terreux, lisse de préférence et pas trop dur, un cercle d'environ 1 m de diamètre partagé en deux moitiés représentant les bases de chacun des deux protagonistes. Il fallait alors lancer le couteau pour qu'il se plante dans le camp adverse et à partir de l'orientation de la lame plantée dans le sol, tracer un rayon qui délimitait lors deux parties dont la moins étendue devenait la propriété du joueur qui agrandissait ainsi son territoire au dépend de son adversaire. Pour le jeu des Tchaps ou Chapès il fallait disposer d'une boite d'allumettes vides (heureux enfants, ceux dont le père fumait et n'avait pas de briquet !) que chaque joueur lançait d'une pichenette à partir d'une ligne de base. Celui dont la boite d'allumette était la plus éloignée de la base prenait alors l'ensemble des autres boites et les lançait en l'air. Il empochait alors toutes celles qui étaient retombés avec la face "image" visible.
Francis Mercadal (toujours lui !) nous a aussi rappelé (et pour ma part, fait connaître) le jeu de la "pelote fumée". Pourquoi cette appellation? Va savoir ??? (ou plutôt "va sa'oir" !). Le seul matériel nécessaire était une balle de tennis. A l'époque c'était assez difficile de s'en procurer une, même usagée. Sur le terrain de jeu, deux lignes distantes d'environ 5 mètres étaient tracées sur le sol. L'idéal était de disposer d'un grand mur avec la configuration suivante: le mur, la ligne du lanceur à 10 mètres et la ligne des tireurs à 15 mètres du mur. Le terrain de jeu : à gauche de la Place de Bouzaréah, au début de la Route Neuve qui longeait le grand mur de la gendarmerie (les voitures étaient à cette époque assez rares.). Déroulement du jeu : un joueur tiré au sort, se plaçait sur la ligne du lanceur avec dans sa main une balle de tennis. Les autres joueurs (3, 4, 5...) se plaçaient sur la ligne des tireurs. Après avoir lancé la balle à un des tireurs choisi au tout dernier moment, le lanceur s'éloignait le plus vite possible vers le mur , en zigzaguant pour éviter d'être touché par la balle récupérée et violemment lancée vers lui par le tireur choisi. Si celui-ci ratait la cible, il était éliminé. S'il faisait mouche, le lanceur touché devait rapidement récupérer la balle, s'avancer vers sa ligne et tenter de toucher un de tireurs en fuite. S'il ratait sa cible il était éliminé, s'il faisait mouche, c'est le tireur touché qui était éliminé. C'était simple, assez sportif et ça faisait des bleus.
Enfin, mais il fallait un ballon ou, à défaut, une balle, des parties de football s'organisaient de façon impromptue, sans équipement particulier, sans "tennis" ni "basket" mais en simples sandales ou "mévas", voire pieds nus, les buts étant marqués par des vêtements ou des morceaux de bois plantés dans le sol, sur un terrain vague en espalier, ce qui nous obligeait à aller rechercher, à de nombreuses reprises, gravitation oblige, le ballon qui roulait trop souvent vers les points les plus bas. Là encore, nous éprouvions le besoin de nous identifier aux "grands" clubs de l'Algérois. Georges Bondet, que son oncle emmenait parfois au stade de Saint-Eugène, ne jurait que par l'ASSE (Association Sportive de Saint-Eugène, parfois appelée par dérision "Association Sportive des Squelettes Empaillés"), alors que, pour je ne sais quelle raison (peut-être les couleurs du maillot violet et jaune), je me déclarai supporter inconditionnel de l'OHD (Olympique d'Hussein-Dey). D'autres se prenaient pour des joueurs d'El-Biar (SCUEB) ou du Gallia Sport Algérois, surtout lorsque ces clubs faisaient des étincelles en coupe d'AFN et même en coupe de France : en 1957 à Toulouse, élimination du grand Stade de Reims par le SCUEB (2-0) ou élimination du Gallia par ce même Stade de Reims, au stade Municipal en 1956. Quant aux petits "arabes" qui participaient sans discrimination à nos parties, ils se reconnaissaient bien évidemment dans le Mouloudia Club d'Alger, qui était avec l'Union Sportive Musulmane Blidéenne, un des clubs "indigènes" les plus en vues du championnat algérois.
Carte d'adhérent de Guy Olivès, à la section "Football" du SCUEB en 1961

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